Résolution 688
Le 5 avril 1991 le Conseil de Sécurité de l’ONU adopte la Résolution 688, faisant suite aux demandes écrites de la France, de la Turquie et de l’Iran, préoccupés quant à la répression politique menée par l’Irak sur ses propres populations civiles, surtout dans la région du Kurdistan. Par cette Résolution le Conseil de Sécurité condamne la répression, qui représente une menace sur la paix et la sécurité internationale, et demande à l’Irak d’y mettre un terme et de respecter les droits fondamentaux de sa population.
Par ailleurs, le Conseil de Sécurité des Nations Unies insiste pour que l’Irak permette aux organisations humanitaires internationales d’accéder aux zones touchées, en demandant au Secrétaire général de faire rapport sur les populations irakiennes et kurdes touchées par la répression de la part des autorités, en utilisant toutes les ressources possibles pour répondre aux besoins des populations. Il demande également à l’Irak de coopérer avec le Secrétariat Général et les organisations internationales pour aider aux efforts humanitaires.
La résolution a été adoptée par dix voix pour, trois voix contre (Cuba, Yémen et Zimbabwe) et deux abstentions (République populaire de Chine et Inde).
La France, le Royaume-Uni et les États-Unis ont utilisé la résolution 688 pour établir des zones d’exclusion aérienne irakiennes afin de protéger les opérations humanitaires en Iraq, bien que la résolution ne fasse aucune référence explicite aux zones d’exclusion aérienne.
Le rôle décisif de la France dans cette Résolution
Dans les faits, c’est la France qui est à l’origine de cette résolution et des zones d’exclusions aériennes en Irak, notamment en faveur des Kurdes. La diplomatie Française a poussé en coulisses pour faire adopter ces mesures. Cette position de la France est le résultat du soutien et de l’appui de certaines personnalités qui ont plaidé pour la cause kurde auprès du gouvernement et du président de l’époque, François Mitterrand. Au premier rang de ces soutiens aux Kurdes, se trouvent Bernard Kouchner et Danielle Mitterand.
BERNARD KOUCHNER
Kouchner s'est rendu pour la première fois au Kurdistan irakien en septembre 1974, accompagné de ses collègues de Médecins Sans Frontières (MSF) Max Récamier et Jacques Bérès. Il reste une quinzaine de jours dans les zones contrôlées par Moustafa Barzani où vivent environ deux millions de personnes. Il y rencontre Idriss, le fils de Moustafa et constate que les Kurdes manquent plus de médicaments que de médecins. En France, le régime irakien de Saddam Hussein est soutenu aussi bien par Jacques Chirac que par une frange du Parti Socialiste où l'on trouve Jean-Pierre Chevènement.
L'aide aux Kurdes crée également un clivage au sein de MSF, qui y voit un alignement sur des positions américaine et israélienne. Philippe Bernier, pro-irakien, est mis en minorité, mais Kouchner n'obtient pas l'autorisation de publier un article dans Le Monde. Par la suite, Kouchner a toujours gardé des rapports avec les Kurdes. Il effectue plusieurs autres voyages clandestins au Kurdistan. En 1983, en pleine guerre Iran-Irak, il rencontre Jalal Talabani, un leader kurde qui devint président d'Irak en 2005.
En 1991, à l'issue de la défaite militaire de Saddam Hussein dans la guerre du Golfe, Kouchner, alors Secrétaire d'État chargé de l'action humanitaire, réclame dans Le Monde que les armées de coalition poussent jusqu'à Bagdad pour renverser le tyran. Pendant la guerre du Golfe, les Kurdes et les chiites s'étaient révoltés, et le cessez-le-feu permettait à l'armée de Saddam Hussein d'aller mâter les révoltes. Un groupe de pression formé autour de Kouchner, André Glucksmann, Yves Montand et Danielle Mitterrand, obtient que la France fasse voter au Conseil de sécurité des Nations unies la résolution 688 qui ouvrait la voie à une opération militaire pour protéger les populations civiles.
L’après Résolution 688
Il effectue ensuite plusieurs voyages en Turquie et en Iran d'où sont organisés des parachutages sur le Kurdistan irakien. Ensuite, en vertu de la résolution 688, les aviations américaine et britannique assurent la sécurité d'un sanctuaire kurde, en territoire irakien. C'est dans ce sanctuaire que Kouchner se rend en compagnie de Danielle Mitterrand en juillet 1992. En 1994, alors que les partisans de Barzani et ceux de Talabani s'entredéchirent, il convainc François Mitterrand d'inviter les deux partis kurdes à Rambouillet, ce qui n'empêche pas la guerre entre Kurdes de durer encore deux ans.
Kouchner se rend à nouveau au Kurdistan en octobre 2002, alors que la guerre civile kurde a pris fin et que les Américains de George W. Bush sont en train de préparer la guerre d'Irak. Il y rencontre Talabani qui l'assure que les Kurdes souhaitent la guerre américaine.
Le 4 février 2003, il publie un éditorial avec Antoine Veil dans Le Monde intitulé « Ni la guerre ni Saddam » où il se déclare opposé à l'imminente guerre d'Irak, Saddam Hussein devant être contraint à abandonner le pouvoir par la pression diplomatique, via l'ONU.
Toutefois, la perspective d'un départ négocié du dictateur irakien s'éloignant, et devant le raidissement des positions entre les partisans de la guerre, groupés autour des États-Unis et du Royaume-Uni, et leurs opposants, emmenés par la France, la Russie et la Chine, sa position évolue, et il dénonce l'éventualité d'un veto de la France au Conseil de sécurité de l'ONU. Au printemps 2003, il est, avec André Glucksmann, Pascal Bruckner, Alexandre Adler, Romain Goupil, Alain Madelin, Pierre Lellouche, Hervé Mariton, l'une des rares personnalités françaises à ne pas désapprouver la guerre engagée par les États-Unis et leurs alliés contre l'Irak.
Ministre des Affaires étrangères et européennes, Bernard Kouchner se rendra à nouveau au Kurdistan d'Irak le 1er juin 2008, afin d'y inaugurer le premier Consulat général de France à Erbil, capitale de la Région du Kurdistan. Il y prononcera un discours bouclant ainsi une amitié avec les Kurdes de près de quarante ans. Deux ans après, en juin 2010, il accueillait à Paris, aux côtés du président Sarkozy, le président Massoud Barzani.
Le 25 septembre 2017, Bernard Kouchner fait partie des observateurs internationaux du référendum d'indépendance du Kurdistan d'Irak, aux côtés notamment du docteur Frédéric Tissot, ancien consul de France à Erbil.